SOCIÉTÉ HUMAINE ET MYSTÈRE DIVIN
Dans les agitations qui peuvent troubler les fidèles et les pasteurs de l’Eglise catholique, dans les « remèdes » que certains voudraient appliquer, dans les analyses plus ou moins marquées d’idéologie ou de partis pris, nous risquons d’oublier que l’Eglise est à la fois « société humaine » et « mystère de la foi ». Comment tenir ces deux réalités ?
L’Eglise est une société humaine. Le concile Vatican II définit l’Eglise comme « une seule réalité complexe, faite d’un double élément humain et divin » (Lumen Gentium n° 8). Elle est à la fois une « société dotée d’organes hiérarchiques et Corps mystique du Christ » (Catéchisme n°771), une assemblée visible et une communauté spirituelle. Arrêtons-nous d’abord à la réalité visible. On disait autrefois que « l’Eglise est la société des fidèles ». Cette approche signifie qu’elle est faite de personnes humaines et qu’elle est faite pour elles. Elle a donc nécessairement une organisation visible avec des fonctions diverses assurées par des responsables, selon des rites, des lois, un code, des structures visibles et répertoriées. Cette réalité est liée à l’incarnation : le Christ pleinement homme a voulu une communauté humaine pour tous les hommes qui répondent à son appel. Extérieurement l’Eglise a une organisation repérable : des diocèses, des paroisses, des conseils, des services, des établissements scolaires, des établissements de soins, des œuvres caritatives, etc. Les assemblées qui rassemblent les fidèles sont des réalités sociales et visibles qui constituent le visage de l’Eglise.
Mais cette réalité ne rend que partiellement compte de ce qu’est réellement l’Eglise. Malheureusement le monde ne perçoit que cet aspect d’une société humaine et s’y arrête faute d’une vision spirituelle. Au cœur de la crise actuelle, des médias catholiques ou non, des théologiens, des prêtres ou des laïcs, se font juges et critiques de l’Eglise, proposent des réformes structurelles et affirment le caractère urgent de ces changements qui ne concernent que le fonctionnement d’une société humaine. Bien sûr, il ne faut pas rejeter les révisions importantes dans les structures car l’organisation juste est nécessaire mais elle doit exprimer la transcendance de l’Eglise, son caractère divin, à travers les fonctions et le service.
L’Eglise est un mystère divin
Le terme de « mystère » ne veut pas dire que l’Eglise serait invisible, incompréhensible, désincarnée. En disant cela avec toute la Tradition il s’agit d’affirmer que l’Eglise a sa source dans la Trinité. Elle est le fruit de l’action du Père par le Christ dans l’Esprit. Elle réalise à la suite du Christ le dessein de Dieu dans le monde. Au Concile Vatican II le premier chapitre de la Constitution sur l’Eglise traite du « Mystère de l’Eglise », le deuxième sur « le Peuple de Dieu » et ne concerne pas uniquement les laïcs mais tous les membres de l’Eglise dont le pape, les évêques et les prêtres.
L’Eglise est une société composée d’êtres humains unis par la Trinité qui leur est communiquée par l’Esprit-Saint. L’amour de Dieu « répandu dans nos coeurs » (Saint Paul) vient de la Parole de Dieu et des sacrements que nous recevons dans la foi. Par là nous participons à la vie de la Trinité. Toute la constitution de l’Eglise et son action s’expliquent par cette vie. C’est pourquoi la présidence des sacrements et des communautés ecclésiales revient aux évêques et aux prêtres, non pas parce qu’ils seraient les meilleurs ou les plus aptes mais parce qu’ils sont ordonnés à ce service au nom du Christ qui est la tête de l’Eglise. Ils n’ont pas un pouvoir personnel mais une autorité de service pour l’Eglise, c’est-à-dire pour le mystère de l’Eglise qui est signe de l’action de la Trinité. Les autres baptisés ne sont pas inférieurs en dignité mais par le service des ministres ordonnés ils sont membres vivants de l’Eglise, Peuple de Dieu, Corps du Christ, Temple de l’Esprit. Nous devons nous redire que les plus fidèles serviteurs de l’Eglise sont les saints (canonisés ou non) et que les vraies réformes viennent toujours d’eux. Si nous voulons que le visage de l’Eglise change nous devons nous convertir par la prière, la vie sacramentelle et la mise en pratique de la Parole de Dieu. Nous devons être en chemin vers la sainteté en vivant de l’amour de Dieu accueilli et partagé avec tous.
Quand, chaque dimanche, nous nous retrouvons autour de l’autel nous participons au « mystère de la foi » et notre communauté, plus ou moins rassemblée, le vit. Elle n’est donc pas seulement une communauté humaine qui prie mais une communauté qui est constituée par la présence sacramentelle du Christ et qui exprime la « communion des saints ». « En effet, tous ceux qui sont du Christ et qui possèdent son Esprit, constituent une seule Eglise et se tiennent mutuellement comme un tout dans le Christ » (Lumen Gentium n°49). C’est cette Eglise que nous aimons et que nous voulons servir.